L’Autorité de la concurrence, ci-après « l’Autorité », est notamment compétente :
- en matière de droit de la concurrence, pour :
- la recherche et la sanction des pratiques anticoncurrentielles telles les ententes interdites entre entreprises et les abus de position dominante ;
- des missions d’analyse, de consultation ou de sensibilisation ; ainsi que
- l’assistance, au besoin, de la Commission européenne pour contrôler les subventions étrangères faussant le fonctionnement du marché intérieur ;
- en matière de marchés numériques, pour :
- la défense des intérêts collectifs des entreprises utilisatrices de plateformes en ligne (Platform to Business - P2B) ; ainsi que pour
- l’assistance, au besoin, de la Commission européenne pour assurer le respect des règles encadrant les contrôleurs d'accès au marché numérique, dits "gatekeepers" (Digital Markets Act - DMA) ;
- l'encadrement des plateformes pour un environnement en ligne sûr (Digital Services Act - DSA) ;
- en matière de chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire pour la protection des agriculteurs et petits opérateurs contre les pratiques commerciales déloyales de leurs acheteurs (PCD) ;
- en matière de liberté d’établissement et libre prestation de services pour la défense des intérêts collectifs des entreprises dans le marché intérieur ;
- en matière de signalement de violations de la loi dans un contexte professionnel, pour la réception et le suivi des signalements externes provenant de lanceurs d’alerte dans les domaines de compétence de l’Autorité.
Droit de la concurrence
Recherche et sanction de pratiques anticoncurrentielles
Conformément à la loi modifiée du 30 novembre 2022 relative à la concurrence, l’Autorité recherche et sanctionne les pratiques anticoncurrentielles suivantes :
- ententes interdites entre entreprises (article 4 de la loi et 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – TFUE) ; et
- abus de position dominante (articles 5 de la loi et 102 du TFUE).
Elle peut agir contre ces pratiques suite à une plainte ou de sa propre initiative.
Pouvoirs d’enquête (phase d’instruction)
Pour rechercher et sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité dispose de pouvoirs d’enquête par lesquels un conseiller instructeur, assisté par des enquêteurs peut :
- procéder à des contrôles sur la voie publique et dans tous lieux ou moyens de transports professionnels (sur simple notification) ;
- procéder à des inspections inopinées dans les locaux des entreprises et associations d’entreprises (sur requête du conseiller instructeur au juge d’instruction) ;
- adresser des demandes de renseignement aux entreprises ;
- désigner des experts pour assurer certaines missions déterminées ;
- recueillir des informations auprès des administrations et établissements publics ;
- organiser des entretiens avec des représentants d’entreprises ou associations d’entreprises ou d’autres personnes morales ou physiques (sur convocation).
Durant la phase d’instruction, le conseiller instructeur peut proposer au Collège de prononcer à l’encontre des entreprises ou associations d’entreprises qui ne coopèrent pas :
- des astreintes pour chaque jour de retard ;
- des amendes pour non coopération pleine et entière.
Au terme de l’enquête, le conseiller instructeur peut :
- soit décider de classer l’affaire s’il est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’agir ;
- soit adresser une communication des griefs aux entreprises ou associations d’entreprises concernées s’il relève des faits susceptibles d’entrer dans le domaine de compétence de l’Autorité.
Proposition d’engagements
Les entreprises ou associations d’entreprises concernées peuvent, à tout stade de la procédure, et tant que le Collège n’a pas pris de décision au fond, proposer des engagements de nature à répondre aux préoccupations de concurrence en cause (soit au conseiller instructeur avant communication des griefs, soit au Collège si la proposition intervient après).
Le Collège décide, après un test de marché visant à évaluer l’efficacité des engagements proposés aux yeux des acteurs du marché, de rejeter ou d’accepter ces engagements en les rendant contraignants.
Auditions (phase contradictoire)
Suite à la clôture de l’enquête, les parties visées par une communication des griefs ont accès au dossier dans les locaux de l’Autorité ou sur support électronique. Elles peuvent, sous certaines conditions, demander l’accès à certaines informations confidentielles nécessaires à l’exercice des droits de la défense.
Le Collège de l’Autorité doit, au plus tôt 2 mois après la communication des griefs, convoquer à une audition :
- les entreprises ou associations d’entreprises visées par la communication des griefs ;
- le conseiller instructeur et ;
- le cas échéant, le plaignant.
Il peut, au besoin, renvoyer le dossier au conseiller instructeur pour un complément d’enquête.
Pouvoirs de décision et sanctions (clôture de l’affaire)
Au terme de la procédure contradictoire, le Collège de l’Autorité peut :
- adopter une décision de non-lieu s’il est d’avis que les conditions d’au moins une des interdictions ne sont pas réunies ;
- adopter des décisions contraignant les parties visées à mettre fin à la violation constatée ;
- infliger des astreintes jusqu’au terme de la violation ou au respect des engagements pris par les parties visées (jusqu’à 5% du chiffre d’affaires mondial journalier du dernier exercice par jour de retard) ;
- infliger des amendes proportionnées à la gravité et à la durée des faits retenus (jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial hors taxes du dernier exercice).
Octroi de clémence
L’entreprise qui, au préalable, a demandé la clémence de l’Autorité en dénonçant sa propre participation à une entente et en apportant les preuves permettant à l’Autorité d’agir peut bénéficier d’une réduction du montant de son amende, voire d’une immunité totale.
Analyse, consultation et sensibilisation au droit de la concurrence
Au-delà de ses missions de recherche et sanction des pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité assume également des missions d’analyse, de consultation ou de sensibilisation en matière de droit de la concurrence qui incluent :
- la réalisation d’enquêtes sectorielles ou par type d’accord ;
- la rédaction d’avis sur tout projet de loi ou règlement ou mesure concernant la concurrence ;
- la représentation du Luxembourg dans le réseau européen de la concurrence ; et
- la sensibilisation du public en matière de concurrence.
Missions d’analyse : enquêtes sectorielles ou par type d’accord
L’Autorité peut, de sa propre initiative ou sur demande du ministre de l’Economie, mener des enquêtes sur un secteur particulier de l’économie ou un type particulier d’accords dans différents secteurs.
Le Collège de l’Autorité décide de l’ouverture des enquêtes, ce qui permet notamment à l’Autorité :
- d’adresser des demandes de renseignement aux entreprises ou associations d’entreprises concernées ; et
- d’ordonner toutes les mesures d’instruction nécessaires pour mettre à jour et sanctionner d’éventuelles ententes interdites entre entreprises ou abus de position dominante.
Au terme de l’enquête, le Collège décide de la clôture de l’enquête et de l’établissement d’un rapport en détaillant les résultats.
L’Autorité peut alors publier ce rapport et inviter les parties intéressées à faire part de leurs observations. Sur demande des intéressés, elle peut décider d’agréger et d’anonymiser les résultats obtenus avant leur publication.
Missions consultatives : émission d’avis et consultations
L’Autorité émet des avis sur toute question concernant le droit de la concurrence et le fonctionnement concurrentiel des marchés.
L’Autorité est obligatoirement demandée en son avis notamment pour tout projet législatif ou réglementaire :
- portant modification ou application de la loi relative à la concurrence ;
- portant transposition ou exécution d’un instrument supranational touchant à des questions de concurrence ; ou
- instituant un régime nouveau ayant pour effet de soumettre l’exercice d’une profession ou l’accès à un marché à des restrictions quantitatives, d’établir des droits exclusifs dans certaines zones ou d’imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente.
L’Autorité est obligatoirement consultée sur toute action judiciaire intentée par ou contre l’État ainsi que lorsque l’État intervient dans une procédure devant les juridictions de l’Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de droit de la concurrence.
Représentation au sein du Réseau européen de la concurrence (REC)
L’Autorité représente le Grand-Duché de Luxembourg au sein du réseau européen de la concurrence (REC) qui rassemble les autorités nationales de concurrence des Etats membres de l’Union européenne et la Commission européenne.
Conformément à l’article 11 du règlement 1/2003 du 16 décembre 2002, les membres du réseau coopèrent étroitement pour appliquer les règles communautaires de concurrence.
L’Autorité peut ainsi, sur demande, leur communiquer des informations qu’elle détient en lien avec l’application des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Elle est par ailleurs tenue d’informer le réseau des nouvelles affaires en cours ou de l’adoption de décisions ainsi que de leur prêter assistance dans le cadre des enquêtes et d’échanger des éléments de preuve.
Sensibilisation du public
A côté des outils répressifs à sa disposition, l’Autorité assure également des missions de sensibilisation et d’éducation (dites « competition advocacy ») visant à attirer l’attention des acteurs sur les avantages et les exigences découlant du droit de la concurrence.
A l’égard des entreprises, il s’agit de susciter la réflexion afin qu’elles remettent périodiquement en cause leur propre comportement par rapport aux exigences du droit de la concurrence et qu’elles mettent en place le cas échéant des programmes de mise en conformité (compliance) au droit de la concurrence.
Conformément à la loi modifiée du 30 novembre 2022 relative à la concurrence, l’Autorité peut par ailleurs, depuis le 1er janvier 2023, publier des informations succinctes sur ses travaux en cours (par exemple sur une communication de griefs dans un secteur donné) en veillant à respecter la présomption d’innocence des entreprises ou associations d’entreprises concernées.
Contrôle des subventions étrangères faussant le marché intérieur
Conformément à la loi du 29 mars 2023 […] sur la mise en œuvre du règlement (UE) 2022/2560 sur les subventions étrangères faussant le marché intérieur, l’Autorité peut être appelée à assister la Commission européenne dans le cadre du contrôle des subventions étrangères (non-UE) accordées à des entreprises actives dans l'UE qui pourraient distordre la concurrence sur le marché intérieur de l’UE.
Ce contrôle s’applique aux concentrations (fusions et acquisitions), aux procédures de passation de marchés publics et à toutes les autres situations de marché.
Les entreprises doivent notifier à la Commission :
- les concentrations faisant intervenir une contribution financière de pouvoirs publics d'un pays non-membre de l'UE lorsque :
- l'entreprise acquise, une des parties à la fusion ou l'entreprise commune génère un chiffre d'affaires dans l'UE d'au moins 500 millions d'euros ; et
- la contribution financière étrangère concernée est de plus de 50 millions d'euros ;
- toute participation à des procédures de passation de marchés publics, lorsque :
- la valeur estimée du marché est d'au moins 250 millions d'euros ; et
- la contribution financière étrangère concernée est d'au moins 4 millions d'euros par pays non-membre de l'UE;
Pour toutes les autres situations de marché, la Commission peut ouvrir des enquêtes de sa propre initiative (ex-officio) si elle soupçonne l'existence de subventions étrangères génératrices de distorsions.
Dans le cadre des concentrations subventionnées, si la Commission constate que des effets négatifs en termes de distorsion l'emportent sur les effets positifs sur le développement de l'activité économique, elle peut imposer des mesures réparatrices structurelles ou non structurelles aux entreprises, ou les accepter comme engagements, pour remédier à la distorsion.
Dans le cadre de la passation de marchés publics, si des subventions étrangères génèrent des distorsions de concurrence, la Commission peut interdire l'attribution de marchés aux entreprises en bénéficiant.
Marchés numériques
Défense des intérêts collectifs des entreprises utilisatrices de plateformes en ligne (Platform to Business - P2B)
Conformément à la loi modifiée du 5 mars 2021 sur l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, l’Autorité assure la défense des intérêts collectifs des entreprises ou des utilisateurs de sites internet d’entreprise.
Les fournisseurs de plateformes en ligne (dites "services d’intermédiation") et de moteurs de recherche en ligne doivent en effet respecter certaines obligations concernant leurs conditions générales et leurs pratiques commerciales.
Les entreprises ou utilisateurs de sites internet d’entreprise qui s’estiment lésés par une pratique interdite par la loi peuvent introduire une action en cessation auprès de l’Autorité.
L’Autorité peut agir devant les juridictions luxembourgeoises et introduire une action en cessation devant le tribunal d’arrondissement en vue de faire cesser ou d’interdire tout manquement au règlement de la part de fournisseurs de plateformes ou de moteurs de recherche en ligne.
Assistance de la Commission pour encadrer les contrôleurs d'accès au marché numérique (Digital Markets Act - DMA)
Conformément à la loi du 29 mars 2023 portant modification de la loi du 30 novembre 2022 relative à la concurrence en vue (notamment) de la mise en œuvre du règlement (UE) 2022/1925 sur les marchés numériques, l’Autorité assiste, au besoin, la Commission européenne pour encadrer les contrôleurs d'accès au marché numérique, dits "gatekeepers" (Digital Markets Act - DMA).
Le DMA met en place certaines obligations préalables que les grandes plateformes numériques devront respecter afin de garantir le respect du libre jeu de la concurrence.
Ces règles visent à préserver l’équité et l’égalité des chances des acteurs numériques au sein de l’Union européenne (UE) en veillant à ce que les marchés sur lesquels les contrôleurs d’accès opèrent restent contestables.
Encadrement des plateformes pour un environnement en ligne sûr (Digital Services Act - DSA)
Conforméement au règlement (UE) 2022/2065 relatif à un marché unique des services numériques, l'Autorité assure l'encadrement des plateformes pour un environnement en ligne sûr en tant que coordinateur pour les services numériques au Luxembourg.
Les fournisseurs de services intermédiaire (fournisseurs proposant des infrastructures de réseau, hébergeurs, plateformes ou moteurs de recherche en ligne, etc.) doivent en effet respecter des obligations correspondant à leur rôle, leur taille et à leur impact dans l’écosystème numérique.
L’utilisateur d’une plateforme (particulier ou professionnel) qui estime qu’il y a eu une violation du règlement DSA peut soumettre une plainte auprès de l’Autorité de la concurrence.
L'Autorité dispose de pouvoirs d’enquête et de coercition étendus pour enquêter, contrôler et faire respecter les règles énoncées dans le DSA.
Approvisionnement agricole et alimentaire
Sanction des pratiques commerciales déloyales au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire
Conformément à la loi du 1er juin 2021 sur les relations entre entreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire, certaines pratiques commerciales déloyales entre fournisseurs et acheteurs de produits agricoles et alimentaires sont interdites et certaines pratiques peuvent être autorisées uniquement sur accord préalable explicite.
Parmi les pratiques commerciales déloyales interdites figurent notamment :
- les retards de paiement passé un certain délai et les annulations à la dernière minute de commandes concernant des produits alimentaires périssables ;
- les modifications unilatérales des contrats ;
- le fait d'obliger le fournisseur à payer pour des denrées gaspillées ;
- le refus de signer des contrats écrits.
Ces dispositions visent à protéger les agriculteurs et les petits opérateurs vis-à-vis de certains grands opérateurs de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire qui disposent d’un grand pouvoir de négociation sur leurs fournisseurs et pourraient être tentés d’abuser de leur position pour imposer des pratiques commerciales déloyales.
Le fournisseur qui s’estime victime d’une pratique commerciale déloyale interdite par la loi peut déposer une plainte auprès de l’Autorité.
Si l’enquête révèle une violation de la loi, l’Autorité peut infliger au contrevenant des astreintes et/ou une amende allant de 251 à 120.000 euros et l’enjoindre de mettre fin à la pratique illicite.
Liberté d'établissement et libre prestation de services
Protection des intérêts collectifs des entreprises
Conformément à la loi du 24 mai 2011 relative aux services dans le marché intérieur telle que modifiée, notamment, par la loi du 19 novembre 2021 (articles 24 et 25), l’Autorité peut introduire des actions en cessation visant à protéger les intérêts collectifs des entreprises.
L’Autorité ou un groupement professionnel peuvent ainsi déposer une requête en référé auprès du magistrat présidant la Chambre du tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale en vue de faire cesser ou interdire tout acte portant atteinte aux principes de la liberté d’établissement des prestataires ou de la libre prestation de services.
Protection des lanceurs d’alerte
Conformément à loi du 16 mai 2023 portant transposition de la directive (UE) 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, l’Autorité recueille les signalements provenant de lanceurs d’alerte dans ses domaines de compétence.
Les lanceurs d’alerte ("whistle-blowers") du secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel (relation de travail actuelle, passée ou future), sont protégés contre toutes formes de représailles.
L’Autorité de la concurrence traite tout signalement dans le strict respect de la confidentialité quant à l’identité du lanceur d’alerte.
Les personnes qui exercent des mesures de représailles ou intentent des procédures abusives contre les lanceurs d’alerte s’exposent à une amende de 1.250 à 25.000 euros.