Droit de la concurrence

Ententes anticoncurrentielles

Le droit de la concurrence cherche à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur de l’Union européenne (UE).

Il consacre la détermination des prix des biens, produits et services par le libre jeu de la concurrence.

Cette liberté des prix (sauf prix réglementés) doit inciter les entreprises à constamment innover pour proposer aux consommateurs les meilleurs produits possibles au prix le plus avantageux.

L’Autorité de la concurrence contrôle notamment le respect du libre jeu de la concurrence et peut sanctionner les comportements anti-concurrentiels tels que les ententes entre entreprises.

L’article 4 de la loi modifiée du 30 novembre 2022 relative à la concurrence et l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) prohibent ainsi tout accord entre entreprises, toute décision d’associations d’entreprises et toute pratique concertée ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

Qui est concerné ?

Toutes les personnes physiques et morales (y compris les personnes de droit public) exerçant des activités de production et de distribution de biens et de prestations de services doivent respecter le libre jeu de la concurrence et veiller à ne pas s’adonner à des pratiques anti-concurrentielles.

Toute entreprise ou association d’entreprises qui se considère lésée par un comportement anti-concurrentiel peut déposer plainte auprès de l’Autorité de la concurrence.

L’entreprise qui participe ou a participé à une entente peut, si elle dénonce l’entente en apportant des preuves suffisantes de son existence, bénéficier du programme de clémence de l’Autorité de la concurrence.

Pourquoi les ententes entre entreprises sont-elles interdites ?

En s’entendant sur les prix, les quantités produites, la répartition du marché, les conditions contractuelles, etc., des entreprises concurrentes (ententes horizontales) ou liées par des relations commerciales (ex. : producteur/distributeur - ententes verticales) pourraient compromettre le libre jeu de la concurrence. Elles pourraient ainsi maitriser ou éliminer la pression concurrentielle, source d’innovation, qui permet en temps normal aux consommateurs de bénéficier des meilleurs biens et services au meilleur prix.

Malgré tout, les ententes ne sont pas toutes néfastes en termes de concurrence. Certaines ententes pourraient même être bénéfiques aux consommateurs. Par exemple, des entreprises qui mettraient en commun leurs efforts de recherche et développement pourraient proposer de nouveaux produits aux consommateurs plus rapidement et à un meilleur prix que si chaque entreprise avait dû effectuer ses recherches séparément. Certaines ententes peuvent donc être autorisées sous certaines conditions.

Ententes prohibées

Les entreprises ont notamment interdiction de s’entendre sur les pratiques ci-après.

 

Fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente, ou d’autres conditions de transaction

La loi interdit aux entreprises concurrentes de se mettre d’accord sur les prix ou les conditions d’achat auprès de leurs fournisseurs des matières premières ou des biens ou services nécessaires à la réalisation des produits ou services qu’elles offrent.

Exemple : des producteurs d’aliments transformés concurrents ne peuvent pas s’accorder sur les prix d’achat de matières premières agricoles auprès de leurs fournisseurs.

La loi interdit par ailleurs tout accord ou entente entre entreprises concurrentes sur leurs prix ou conditions de vente de produits ou services aux consommateurs ou acheteurs professionnels. L’interdiction inclut donc les accords, qu’ils soient tacites ou écrits portant sur la fixation des marges, sur les barèmes professionnels, sur les délais de paiement, sur les méthodes de fixation des prix, etc.

Exemple : des serruriers concurrents ne peuvent pas se mettre d’accord sur un prix de reproduction d’un double de clé standard au-dessus du prix du marché qui aurait pour effet d’augmenter leur marge au détriment du consommateur.

La loi interdit aussi les accords entre des entreprises actives à différents niveaux de la chaîne de production (ex. : entre producteur et distributeur) portant sur la fixation des marges, sur des barèmes professionnels ou sur les délais de paiement.

Exemple : un fabricant de matériaux de construction ne peut pas imposer un prix de revente à ses distributeurs.

 

Limitation ou contrôle de la production, des débouchés, du développement technique ou des investissements

La loi interdit les ententes entre entreprises visant à contrôler ou limiter la production

Exemple : des producteurs de médicaments ne peuvent pas fixer entre eux des quotas de production qui auraient pour effet de réduire les quantités disponibles et d’augmenter le prix de vente au détriment des consommateurs. Ils ne peuvent pas non plus s’accorder réciproquement pour que chacun abandonne une partie de la production pour se spécialiser dans l’autre en s’approvisionnant l’un et l’autre (accord de spécialisation) ou s’engager à ne pas se faire concurrence (accord de non-concurrence).

… les débouchés

Exemple : des distributeurs de matériel électroménager concurrents ne peuvent pas se concerter sur le montant de leurs ventes ou constituer des structures de vente communes qui auraient pour effet de restreindre l’accès au marché des autres concurrents.

… le développement technique

Exemple : des constructeurs automobiles ne peuvent pas s’accorder pour maintenir artificiellement leurs technologies de réduction d’émissions toxiques au niveau des prescriptions légales sans en utiliser l’entier potentiel.

… ou les investissements.

Exemple : des constructeurs automobiles ne peuvent pas s’entendre pour réduire leurs investissements de recherche & développement en faveur de la voiture à hydrogène dans le but d’amortir d’abord leurs installations en faveur des voitures électriques.

 

Répartition des marchés ou des sources d’approvisionnement

La loi interdit les ententes entre entreprises par lesquelles elles se répartiraient les marchés par zone géographique, par type de clientèle, dans le cadre de marchés publics ou encore en se fixant des quotas de production.

Exemple : des laboratoires médicaux concurrents ne peuvent pas s’accorder pour que l’un effectue exclusivement certains prélèvements et l’autre assure d’autres prestations.

Néanmoins, dans le cadre d’accords verticaux, les entreprises peuvent accorder des exclusivités territoriales susceptibles de limiter la concurrence intra-marque, c’est-à-dire la concurrence entre distributeurs du même réseau.

Exemple : un distributeur de maroquinerie de luxe peut exiger un contrat d’exclusivité d’un maroquinier qui lui garantirait qu’il sera le seul à vendre tel type de produit dans son secteur.

De même, des accords peuvent prévoir une certaine répartition géographique en interdisant la vente active, c’est-à-dire le fait pour le distributeur de démarcher les clients d’un autre distributeur. Par contre, il n’est pas possible d’interdire la vente passive par laquelle le client se dirige de sa propre initiative vers le distributeur.

La loi interdit également les ententes entre entreprises par lesquelles elles se répartiraient les sources d’approvisionnement.

Exemple : des distributeurs ne peuvent pas se mettre d’accord pour s’approvisionner chacun auprès de certains producteurs de vin luxembourgeois distincts en s’engageant à ne pas démarcher les producteurs attribués aux autres distributeurs faisant partie de l’entente.

 

Application à des partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations équivalentes leur infligeant un désavantage concurrentiel

La loi interdit la mise en œuvre de pratiques discriminatoires non justifiées portant, par exemple, sur les conditions de vente en fonction de la localisation de l’entreprise, les prix d’achat ou de vente en fonction de l’acheteur ou du vendeur, les critères de sélection des distributeurs dans le cadre d’un réseau de distribution, etc.

Exemple: une entreprise de nettoyage ne peut pas se mettre d’accord avec un ou plusieurs de ses clients pour proposer des tarifs différents à leurs concurrents pour des prestations identiques.

 

Subordination de la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages communs, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats

La loi interdit les clauses de subordination, les contrats couplés ou les contrats d’enchaînement qui ont pour effet de restreindre la concurrence.

Exemple : un fournisseur de systèmes d’exploitation pour ordinateurs ne peut pas imposer un logiciel de lecture média en ne laissant pas aux acheteurs la possibilité d’obtenir le système d’exploitation sans le lecteur média, alors qu’il s’agit de deux produits distincts.

Ententes exemptées d'interdiction

L’article 101, paragraphe 3 du TFUE permet d’exempter d’interdiction les accords, décisions ou pratiques concertées ou catégories d’accords, de décisions ou de pratiques concertées si ces derniers respectent quatre conditions :

Pour être exemptés d’interdiction, ces accords, décisions ou pratiques doivent :

  • contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, et
  • réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ;

et ils ne doivent pas :

  • imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, ni/et
  • donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

 

Exemption par catégorie

Les interdictions ci-dessus sont donc déclarées inapplicables à certaines « catégories » d’accords, de décisions ou de pratiques concertées qui peuvent engendrer des avantages économiques pour contrebalancer les effets négatifs de la restriction de concurrence. Ces catégories d’accords, de décisions ou de pratiques concertées sont présumées respecter les quatre conditions précitées.

Ces exemptions par catégorie sont prévues par des règlements de la Commission ou du Conseil.

Il existe des règlements d’exemption par catégorie :

 

Exemption individuelle

Les accords, décisions ou pratiques concertées en principe interdits peuvent par ailleurs être admis s’ils respectent les conditions précitées.

Il appartient à l’Autorité de la concurrence d’examiner si ces conditions sont respectées dans les affaires qu’elle instruit. Si les conditions sont réunies, l’entente pourra alors bénéficier d’une exemption individuelle ou par catégorie. L’Autorité pourra, si les conditions ne sont plus réunies, retirer le bénéfice de l’exemption aux entreprises concernées.

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