Droit de la concurrence

Abus de position dominante

Le droit de la concurrence contribue au bon fonctionnement des marchés en garantissant le libre jeu de la concurrence. Sur un marché concurrentiel, les entreprises sont incitées à constamment innover pour proposer aux consommateurs les meilleurs produits et services possibles aux prix les plus avantageux.

L’Autorité de la concurrence contrôle notamment le respect du libre jeu de la concurrence par les entreprises et peut sanctionner les comportements anticoncurrentiels, tels que les abus de position dominante.

L’article 5 de la loi modifiée du 30 novembre 2022 relative à la concurrence et l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdisent l’exploitation abusive d’une position dominante par une ou plusieurs entreprises.

Qui est concerné ?

Toutes les entreprises privées ou publiques, doivent respecter le libre jeu de la concurrence et veiller à ne pas s’adonner à des pratiques anti-concurrentielles.

La détention d’une position dominante n’est pas répréhensible en soi. Seuls les comportements abusifs commis par des entreprises en position dominante sont interdits.

Une entreprise est en position dominante lorsqu’elle dispose d’une situation de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité d’adopter des comportements indépendants dans une mesure appréciable à l’égard de ses concurrents et de ses clients.

Une entreprise en position dominante sur un marché a donc une responsabilité particulière vis-à-vis de ses concurrents, de ses fournisseurs et de ses clients. La concurrence étant déjà affaiblie, elle ne doit pas abuser de sa position en adoptant des comportements illicites.

Une position dominante est généralement détenue individuellement par une entreprise qui se trouve, seule, dans une telle situation de puissance économique. Toutefois, dans certaines circonstances spécifiques, une position dominante peut être détenue collectivement par plusieurs entreprises, qui bien qu’en principe indépendantes, se comportent comme une entité unique sur le marché.

Toute entreprise ou association d’entreprises qui se considère lésée par un comportement anticoncurrentiel peut déposer plainte auprès de l’Autorité de la concurrence.

Comment établir l'existence d'une position dominante ?

Marché pertinent

Etablir l’existence d’une position dominante requiert tout d’abord de déterminer le marché pertinent sur lequel s’exerce la concurrence entre les entreprises.

Le marché pertinent se définit au regard des produits ou des services concernés d’une part, et du territoire sur lequel ces produits ou services sont offerts d’autre part.

Un marché pertinent englobe l’ensemble des produits ou services que les clients considèrent comme interchangeables et qui sont offerts dans une zone géographique où les conditions de concurrence sont homogènes.

Structure concurrentielle

Une fois le marché pertinent déterminé, il convient d’apprécier la structure concurrentielle de ce marché et d’examiner si une entreprise détient une position dominante. Pour cela, l’Autorité se fonde généralement sur les éléments suivants :

  • l’importance de la part de marché détenue par l’entreprise visée, ainsi que son évolution dans le temps et son importance relativement à la part de marché détenue par les entreprises concurrentes ;
  • l’existence de barrières à l’entrée ou à l’expansion, qu’elles soient de nature juridique (autorisation administrative, réglementation, etc.) ou économique (coûts, technologies, effets de réseaux, etc.) ;
  • l’exercice d’une pression concurrentielle par les clients, lorsqu’ils disposent d’un pouvoir de négociation suffisant.
Exemples de pratiques constituant des abus de position dominante

Une entreprise en position dominante a notamment interdiction :

  • d’adopter des comportements qui feraient obstacle au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (abus d’éviction) ; et
  • d’exploiter abusivement sa position dominante en exigeant pour ses produits ou services, des prix non équitables ou disproportionnés par rapport à la valeur économique du produit ou de la prestation fournie (abus d’exploitation).

Abus d’éviction

Les abus d’éviction (ou exclusion) sont des pratiques qui ont pour effet d’exclure ou empêcher un concurrent d’entrer ou de se développer sur un marché par des moyens autres que ceux relevant de la concurrence par les mérites.

Prix prédateurs

La loi interdit à l’entreprise en position dominante de pratiquer une politique de prix anormalement bas dans le but d’éliminer ses concurrents du marché.

En effet, en pratiquant des prix prédateurs, l’entreprise dominante pourrait sacrifier temporairement une partie de ses bénéfices afin d’éliminer ses concurrents incapables de s’aligner sur ses prix, ce qui lui permettrait de s’accaparer l’ensemble de la clientèle avant de relever ses prix.

Exemple : un producteur de médicaments en position dominante ne peut pas vendre temporairement ses produits à perte afin d’exclure les producteurs de médicaments génériques du marché.

Rabais de fidélité

La loi interdit à l’entreprise en position dominante d’octroyer à ses clients des rabais de fidélité en contrepartie d’un engagement du client de s’approvisionner exclusivement ou quasi exclusivement auprès de lui lorsque ces rabais ont pour effet de créer des barrières à l’entrée et d’exclure les concurrents du marché.

Exemple : un fournisseur en position dominante ne peut pas octroyer des remises à ses acheteurs à la condition que ceux-ci s’approvisionnent exclusivement auprès de lui lorsque cette pratique commerciale a pour effet d’évincer du marché des concurrents au moins aussi efficaces que le fournisseur dominant.

Ventes liées

La loi interdit à l’entreprise en position dominante de subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.

Par de telles pratiques, l’entreprise en position dominante pourrait en effet obliger l’acheteur d’un produit donné (« produit liant ») à acheter un second produit (« produit lié ») de façon à verrouiller l’accès de concurrents au marché du produit lié.

Exemple : un fabricant de machines à café en position dominante ne peut empêcher d’autres producteurs de café de vendre des capsules compatibles avec ses machines.

Abus d’exploitation

Les abus d’exploitation sont des pratiques permettant à une entreprise en position dominante d’exploiter la rente de situation qu’elle détient vis-à-vis de ses clients.

Prix excessifs

La loi interdit à l’entreprise en position dominante d’exploiter abusivement une telle position en pratiquant un prix excessif sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation ou du produit fourni.

Exemple : une entreprise en situation de monopole sur le marché de la télévision par câble ne peut pas imposer des frais d’abonnement excessifs qui ne sont pas justifiés au regard de ses coûts.

Refus de fourniture

La loi interdit à l’entreprise en position dominante de refuser de vendre :

  • sans justification objective,
  • à une entreprise située sur un marché voisin ou en aval,
  • un bien ou service (matières premières, licence, brevet, accès à des facilités, etc.) essentiel pour accéder à ce marché aval (fabriquer un produit, exercer une activité, etc.).

Pratiques discriminatoires

La loi interdit à l’entreprise en position dominante d’accorder à des partenaires commerciaux un traitement différent dans des situations objectivement similaires ou, à l'inverse, un traitement similaire dans des situations objectivement distinctes, par exemple en appliquant :

  • des prix différents selon les partenaires ;
  • des conditions de vente plus favorables à certains partenaires qu’à d’autres.

Dernière mise à jour