Lanceur d'alerte
SIGNALEMENTLes violations des règles de droit, qu’elles soient d’ordre administratif, pénal ou autre, peuvent porter gravement atteinte à l’intérêt public et s’avérer préjudiciables pour la société en général. Les lanceurs d’alerte ("whistle-blowers") qui signalent ces violations servent donc l’intérêt public et sont, à ce titre, protégés contre toutes formes de représailles.
La directive (UE) 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union vise à créer un cadre juridique européen uniforme pour protéger les lanceurs d’alerte dans certains domaines d’action de l’Union européenne.
Au Luxembourg, par soucis de cohérence et d’accessibilité, la protection des lanceurs d’alerte s’étend aux violations de l’ensemble du droit national.
Chacun peut s’adresser à l’office des signalements pour obtenir des informations générales sur l’autorité compétente selon le type de signalement visé.
Le Luxembourg compte 22 autorités compétentes, dont l’Autorité de la concurrence, qui recueille les signalements concernant les violations :
- en matière de droit de la concurrence, en cas :
- de pratiques anticoncurrentielles telles que des ententes interdites entre entreprises ou des abus de position dominante ;
- de subventions étrangères faussant le marché intérieur ;
- en matière de marchés numériques, en cas :
- de violation des règles encadrant les plateformes en ligne (Digital Services Act - DSA) ;
- de non-respect des règles encadrant les contrôleurs d'accès au marché numérique, dits "gatekeepers" (Digital Markets Act - DMA) ;
- d’atteinte aux intérêts collectifs des entreprises utilisatrices de plateformes en ligne (Platform to Business - P2B) ;
- en matière d’approvisionnement agricole et alimentaire en cas :
- de pratiques commerciales déloyales (PCD) des acheteurs vis-à-vis de leurs fournisseurs moins puissants ;
- en matière d’intérêts collectifs des entreprises dans le marché intérieur.
Qui est concerné ?
La loi protège les lanceurs d’alerte travaillant dans le secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel (relation de travail actuelle, passée ou future), y compris :
- les travailleurs (y compris les fonctionnaires et employés de l’Etat) ;
- les travailleurs indépendants ;
- les actionnaires et les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise, y compris les membres non exécutifs ainsi que les bénévoles et les stagiaires rémunérés ou non ;
- toute personne travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de sous-traitants et de fournisseurs.
Elle protège également :
- les facilitateurs (personne physique qui aide un lanceur d’alerte de façon confidentielle) ;
- les collègues ou proches du lanceur d’alerte qui risquent de faire l’objet de représailles ; et
- les entités juridiques appartenant au lanceur d’alerte pour lesquelles il travaille, ou avec lesquelles il a des liens professionnels ;
- les personnes qui ont signalé ou divulgué des informations sur des violations de manière anonyme, mais qui sont identifiées par la suite et font l’objet de représailles ;
- les personnes qui signalent des violations auprès des institutions, organes ou organismes de l’Union européenne compétents.
Qu'est-ce qui peut être signalé ?
Le lanceur d’alerte peut signaler toute violation du droit national et/ou du droit de l’Union, c’est-à-dire les actes ou omissions qui :
- sont illicites ; ou
- vont à l’encontre de l’objet ou de la finalité des dispositions du droit national ou européen d’application directe.
Il peut communiquer toute information, y compris des soupçons raisonnables, concernant :
- des violations effectives ou potentielles ; et
- des tentatives de dissimulation de ces violations ;
- qui se sont produites ou sont très susceptibles de se produire :
- dans l’organisation dans laquelle il travaille ou a travaillé ; ou
- dans une autre organisation avec laquelle il est ou a été en contact dans le cadre de son travail.
Quelle sont les conditions pour être protégé ?
Pour être protégé contre toutes formes de représailles le lanceur d’alerte doit :
- avoir eu des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et qu’elles relèvent du champ d’application de la loi ; et
- avoir effectué un signalement soit interne (via les canaux de signalement de son entreprise ou administration), soit externe (via les canaux de signalement de l’autorité compétente), soit public (suite à un signalement externe sans résultat).
Contre quoi suis-je protégé ?
Absence de responsabilité des lanceurs d’alerte
Les lanceurs d’alerte qui répondent aux conditions de protection n’enfreignent pas la loi quant à la divulgation d’informations et n’encourent aucune responsabilité :
- concernant le signalement (interne et/ou externe) ou la divulgation publique pour autant qu’ils aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique était nécessaire pour révéler une violation du droit ;
- en ce qui concerne l’obtention des informations qui sont signalées ou divulguées publiquement, ou l’accès à ces informations (sauf si cette obtention ou accès constitue une infraction pénale autonome) ;
- du fait des signalements ou des divulgations publiques effectués, y compris dans les procédures judiciaires pour diffamation, violation du droit d’auteur, violation du secret, violation des règles en matière de protection des données ou divulgation de secrets d’affaires, ou pour des demandes d’indemnisation fondées sur le droit privé, le droit public ou le droit collectif du travail.
Ils peuvent alors invoquer ce signalement ou cette divulgation publique pour demander l’abandon de la procédure.
Mesures de représailles interdites
Toutes formes de représailles, y compris les menaces et tentatives de représailles, sont interdites à l’égard des lanceurs d’alerte en raison du signalement qu’ils ont effectué.
Sont notamment interdites et nulles de plein droit :
- la suspension d’un contrat de travail, la mise à pied, le licenciement, le non-renouvellement ou la résiliation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou des mesures équivalentes ;
- la rétrogradation ou le refus de promotion ;
- le transfert de fonctions, le changement de lieu de travail, la réduction de salaire, la modification des horaires de travail ;
- la suspension de la formation ;
- les mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ;
- la non-conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le salarié pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ;
- l’évaluation de performance ou l’attestation de travail négative ;
- la résiliation anticipée ou l’annulation d’un contrat pour des biens ou des services ;
- l’annulation d’une licence ou d’un permis ;
Sont également interdites :
- la coercition, l’intimidation, le harcèlement ou l’ostracisme ;
- la discrimination, le traitement désavantageux ou injuste ;
- le préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou les pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ;
- la mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité ;
- l’orientation vers un traitement psychiatrique ou médical.
Action contre des mesures de représailles
Le lanceur d’alerte qui subit des mesures de représailles peut, dans les 15 jours qui suivent la notification des mesures, demander à la juridiction compétente de constater la nullité des mesures et d’en ordonner la cessation.
La personne qui n’a pas invoqué la nullité des mesures de représailles ou qui en a déjà obtenu la nullité peut encore exercer une action en dommages et intérêts.
Renversement de la charge de la preuve
Le lanceur d’alerte qui subit des mesures préjudiciables bénéficie d’office de la présomption que ces mesures ont été prises contre lui en représailles au signalement.
Il incombe donc à la personne qui a pris les mesures d’en établir les motifs.
Quand privilégier le signalement interne ?
Les personnes désirant signaler des violations de la loi sont encouragées à privilégier le signalement interne avant de recourir à un signalement externe, à moins que le signalement interne risque de leur porter préjudice (représailles de l’employeur par exemple).
Chaque entité du secteur privé (à partir de 50 salariés) et du secteur public (sauf communes de moins de 10.000 habitants et entités de moins de 50 travailleurs) doit proposer des canaux et procédures de signalement interne et en assurer le suivi.
Les entités du secteur privé qui comptent 50 à 249 travailleurs peuvent partager des ressources pour la réception et le suivi des signalements internes.
Comment faire un signalement externe ?
Les personnes désirant signaler des violations de la loi peuvent effectuer un signalement externe auprès de l’autorité compétente soit directement, soit après avoir effectué un signalement interne.
Signalement auprès de l’Autorité de la concurrence
Le lanceur d’alerte qui souhaite signaler des violations de législation entrant dans le domaine de compétences de l’Autorité, peut s’adresser à l ’Autorité en français, luxembourgeois, allemand ou en anglais :
- via la plateforme sécurisée de signalement externe auprès de l’Autorité de la concurrence sur MyGuichet (sans authentification) ;
- par e-mail à l’adresse : alerte@concurrence.etat.lu ;
- par téléphone au numéro : (+352) 247 84484 ;
- en personne au siège de l’Autorité de la concurrence.
La plateforme de signalement de l’Autorité garantit l’exhaustivité, l’intégrité et la confidentialité des informations transmises à l’Autorité. Seuls les membres du personnel de l’Autorité de la concurrence habilités y ont accès et sont tenus de respecter le secret professionnel conformément au serment qu’ils ont prêté lors de leur entrée en fonction.
L’Autorité n’enregistre pas les signalements par téléphone mais elle peut rédiger un procès-verbal précis relatant les principaux éléments de la conversation que le lanceur d’alerte pourra par la suite vérifier, rectifier et signer pour approbation.
De même, l’Autorité veille, avec le consentement du lanceur d’alerte, à conserver des comptes rendus complets et précis des signalements effectués en personne sous forme d’enregistrement ou de procès-verbal.
Suivi et traitement du signalement par l’Autorité
L’Autorité reçoit et assure le suivi des signalements tombant sous son champ de compétences.
Elle peut demander par écrit à l’entité visée par le signalement la communication de tous les renseignements qu’elle juge nécessaires, dans le strict respect de la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte.
L’Autorité s’assure notamment :
- d’accuser réception du signalement dans un délai de 7 jours à compter de sa réception, sauf en cas :
- de demande contraire expresse du lanceur d’alerte ; ou
- de motifs raisonnables de croire qu’accuser réception du signalement compromettrait la protection de l’identité du lanceur d’alerte ;
- d’en assurer un suivi diligent ;
- de fournir au lanceur d’alerte un retour d’informations endéans 3 mois, ou 6 mois dans des cas dûment justifiés ;
- de communiquer au lanceur d’alerte le résultat final des démarches auxquelles le signalement a donné lieu, sous réserve des informations tombant dans le champ d’application d’une obligation légale de secret pénalement sanctionnée.
Confidentialité et traitement des données
Confidentialité
L’Autorité de la concurrence traite tout signalement dans le strict respect de la confidentialité quant à l’identité du lanceur d’alerte.
L’Autorité ne divulguera en aucun cas :
- ni l’identité du lanceur d’alerte sans son consentement exprès ;
- ni aucune autre information à partir de laquelle l’identité du lanceur d’alerte peut être directement ou indirectement déduite.
Le cas échéant, l’Autorité n’utilise pas ou ne divulgue pas les secrets d’affaires à des fins allant au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un suivi approprié.
Traitement des données à caractère personnel
Aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par la loi du 16 mai 2023 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (lanceurs d’alerte), et plus précisément concernant le traitement des signalements, l’Autorité peut être amenée à traiter des données personnelles vous concernant.
Tout traitement de données à caractère personnel effectué en vertu de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte, y compris l’échange ou la transmission de données à caractère personnel par les autorités compétentes, est effectué conformément au règlement (UE) 2016/679, ci-après « règlement général sur la protection des données » ou « RGPD ».
En tant qu’autorité publique traitant des données à caractère personnel, l’Autorité est tenue de respecter les obligations qui lui incombent en sa qualité de responsable de traitement.
Pour toute question concernant les traitements de vos données à caractère personnel effectués par l’Autorité, vous pouvez contacter le délégué à la protection des données (DPO) de l’Autorité par courrier à l’attention du DPO, par téléphone (+352 247 84728) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@concurrence.etat.lu.
Décisions et sanctions de l’Autorité
Après examen, l’Autorité :
- peut décider de clôturer la procédure :
- en cas de violation manifestement mineure (sans préjudice d’autres obligations ou d’autres procédures applicables visant à remédier à la violation signalée) ;
- en cas de signalements répétitifs qui ne contiennent aucune nouvelle information significative par rapport à un signalement antérieur dont la procédure est close ;
L’Autorité notifie alors sa décision et les motifs à son fondement au lanceur d’alerte.
- peut sanctionner les entités (personnes morales) visées par le signalement aux termes de la loi modifiée du 30 novembre 2022 relative à la concurrence.
Amendes encourues
L’Office des signalements peut infliger des amendes aux personnes qui ne respectent pas loi sur la protection des lanceurs d’alerte :
- de 1.250 à 25.000 euros si elles exercent des mesures de représailles ou intentent des procédures abusives contre les lanceurs d’alerte ;
- de 1.500 à 250.000 euros notamment si elles entravent un signalement, refusent de remédier à une violation ou n’ont pas mis en place les canaux de signalement interne requis (l’amende peut être doublée en cas de récidive).
Quant divulguer publiquement une violation de la loi ?
Un lanceur d’alerte qui divulgue publiquement une violation bénéficie de la protection de la loi si :
- il a d’abord effectué soit un signalement interne et externe soit directement un signalement externe mais aucune mesure appropriée n’a été prise en réponse au signalement dans les 3 mois suivant le signalement ; ou
- il a des motifs raisonnables de croire que :
- la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public (par exemple lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible) ; ou
- en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l’affaire (par exemple lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu’une autorité peut être en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation).
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