Le Conseil de la concurrence accepte des engagements présentés par Sales-Lentz Group S.A. et Voyages Emile Weber S.à.r.l. dans une affaire de marché public relatif au « transport Complémentaire d’Accessibilité pour Personnes à Besoins Spécifiques » (transport CAPABS).
Suite à l’annulation en date du 16 juillet 2014 d’une soumission publique relative au marché transport CAPABS par le Ministère du Développement Durable et des Infrastructures, le Conseil de la concurrence (ci-après : le « Conseil ») a ouvert une enquête sur la régularité, au regard du droit de la concurrence, des offres soumises dans le cadre de ce marché.
La seule offre conforme au cahier des charges avait été présentée par l’entreprise Transport Union Lëtzebuerg S.à.r.l (ci-après : « TUL »), entreprise commune, formée à parts égales par les deux opérateurs les plus importants sur le marché du transport de personnes, à savoir Sales-Lentz Group S.A. (ci-après : « SLG ») et Voyages Emile Weber S.à.r.l. (ci-après : « VEW »). L’enquête a révélé que TUL n’employait pas de personnel, n’avait pas de bureau ou de numéro de téléphone et ne générait aucun chiffre d’affaires.
Pour présenter son offre, TUL avait fait appel à plusieurs sociétés de sous-traitance représentant la quasi-totalité des entreprises opérant sur le marché en cause. Les entreprises ont fait valoir devant le Conseil qu’une telle organisation était l’unique moyen de réunir les capacités nécessaires exigées par le cahier des charges et de réduire au maximum les coûts grâce à la réduction du kilométrage à vide. L’enquête a révélé que l’offre soumise visait également pour chacune des entreprises soumissionnaires le maintien du chiffre d’affaires des entreprises sur le marché du transport de personnes à besoins spécifiques et la conservation d’un maximum de lignes déjà assurées dans le cadre des précédents marchés, lesquels étaient jusqu’en 2014 attribués de gré à gré, sans recours à une soumission publique. La soumission de cette offre a été précédée par un nombre important d’échanges d’informations entre les différentes entreprises engagées dans l’offre, pour la plupart initiés par les représentants de la société TUL.
La procédure devant le Conseil
L’enquête menée par le conseiller désigné a été clôturée par l’envoi d’une communication des griefs en date du 25 avril 2016. Pour répondre aux préoccupations de concurrence soulevées par cette communication des griefs, les entreprises SLG et VEW ont soumis au Conseil une série d’engagements en date du 22 décembre 2016 dans le but de rétablir une concurrence saine et effective sur le marché concerné.
Conformément à l’article 13 de la loi du 23 octobre 2011 relative à la concurrence, si le Conseil envisage d’adopter une décision exigeant la cessation d’une infraction mais que les engagements entretemps proposés par les entreprises répondent effectivement aux préoccupations de concurrence identifiées, celui-ci a la faculté de les rendre obligatoires. Cette décision rendant obligatoires les engagements des entreprises clôt ainsi la procédure.
Dans sa décision du 8 mars 2017, le Conseil est parvenu à la conclusion que la société TUL devait être considérée comme l’expression d’un accord potentiellement anticoncurrentiel entre les entreprises SLG et VEW, actionnaires de la société TUL, laquelle société ayant facilité, organisé et structuré l’offre commune soumise.
En retenant comme ultime préoccupation de concurrence le seul accord à la base de la mise en place de l’offre TUL, le Conseil a en même temps conclu au classement sans autre suite de l’affaire à l’égard des sociétés de sous-traitance Sales-Lentz Autocars S.A., Demy Schandeler S. à r. l., Autocars Meyers S.A., Siedler-Thill et Fils S. à r. l. Bollig Voyages S.A., Voyages et Autocars Erny Wewer S. à r. l., Autocars Pletschette S. à r. l., Autocars Emile Frisch S. à r. l., Frisch Rambrouch Autocars S. à r. l., Voyages Simon S.A., Ingeldorf, A.S. Tours Schemel Albert, Pletschette-Weber Nicole, Autobus Stephany S. à r. l., Voyages Ecker S. à r. l., Voyages Unsen S.A., Ross Troine Autocars S.A., Nouvelle Société Rapide des Ardennes S. à r. l., Voyages Vandivinit S. à r. l., Voyages Simon Tours Pétange S. à r. l., Transports Huberty S.A., Voyages Koob S.A., Voyages J.C. S.A. (Josy Clement), Autocars Altmann S. à r. l., Alltra S.A. et Voyages Wagener S.A.
Le recours à la procédure d’engagements présente d’importants avantages tant pour les entreprises que pour l’autorité de concurrence. Les décisions d’engagements sont adoptées sans imposition d’amende et marquent un point final à des procédures judiciaires longues et coûteuses à l’issue incertaine, nuisibles à la sécurité juridique.
En marge de l’analyse du caractère adéquat des engagements proposés, le Conseil a pris en compte les caractéristiques factuelles particulières de ce marché public. Les exigences économiques, techniques et temporelles prévues par le cahier des charges étaient particulièrement contraignantes et difficiles à respecter pour les entreprises en cause. Ainsi notamment, les entreprises ont dû organiser la soumission dans un délai extrêmement court, la publication de la soumission étant intervenue le 30 avril 2014 alors que l’ouverture des offres était prévue pour le 11 juin 2014. Il s’y ajoute que les entreprises ont dû, pour la première fois, se soumettre à un appel d’offres alors que les précédents marchés de transport de personnes à besoins spécifiques étaient négociés suivant la procédure d’attribution de gré à gré. Ces circonstances ont plaidé en faveur du recours à la procédure d’engagement.
Les engagements retenus par le Conseil
Les engagements proposés par SLG et VEW et rendus obligatoires par le Conseil comportent trois mesures, une première d’ordre structurel et deux autres d’ordre comportemental.
Le premier engagement consiste pour les deux entreprises à dissoudre l’entreprise TUL, au plus tard avant le 1er juillet 2017.
Le second engagement d’ordre comportemental consiste en l’organisation annuelle, en interne et individuellement par chacune des deux entreprises, de séances d’information, de formation et de sensibilisation en matière de droit de la concurrence destinées aux dirigeants, cadres et employés dits à risque. Les formations dispensées seront complétées par la distribution d’un guide écrit relatif à l’application du droit de la concurrence, guide préalablement approuvé par le Conseil. Les dirigeants, cadres ou employés dits à risque devront par ailleurs participer aux ateliers annuels de formation dispensés par le Conseil. Cet engagement aura une durée de deux années consécutives.
S’agissant du troisième et dernier engagement, d’ordre comportemental également, SLG et VEW devront conserver pendant une durée de cinq années les données et informations relatives aux négociations et échanges commerciaux avec des concurrents dans le cadre de la prochaine soumission CAPABS.