2012-FO-08 - Affaire ULC contre assurances

Secteur des assurances

Le Conseil de la concurrence inflige des amendes pour ententes illicites dans le secteur des assurances

Par décision du 20 décembre 2012, le Conseil de la concurrence a infligé une amende d’un montant total de 676 807 euros à neuf compagnies d’assurances actives sur le marché de l’assurance “responsabilité civile auto” ainsi qu’à l’Association des Compagnies d’Assurances (ACA).

A la suite d’une plainte introduite par l’Union Luxembourgeoise des Consommateurs (ULC) en date du 21 septembre 2011, l’ancienne Inspection de la concurrence a entamé une enquête contre les compagnies d’assurances qui, en juin 2011 avaient signé une “Note interprétative relative aux dispositions du règlement grand-ducal modifié du 11 novembre 2003 pris en exécution de la loi modifiée du 16 avril 2003 relative à l’assurance obligatoire RC AUTOS en matière de Bonus/Malus” (ci-après : “la Note”). Dans la Note, les assureurs se sont mis d’accord sur une application uniforme et homogène par tous les concurrents du règlement Bonus/Malus.  De cette interprétation abusive du règlement,  défavorable pour la majorité des consommateurs, il découlait notamment qu’un preneur d’assurance qui souhaitait assurer un deuxième véhicule se voyait attribuer pour ce véhicule le degré de base (11) dans l’échelle Bonus/ Malus même si le premier véhicule était classé dans un degré plus favorable que le degré (11). L’autonomie des entreprises d’assurance, dans la poursuite de leur politique commerciale, a en outre été limitée par l’interdiction pour les assureurs d’appliquer un mécanisme tarifaire propre à neutraliser la variation  de l’échelle Bonus/Malus. La restriction de concurrence est encore soulignée par un système de sanction mis en place par les signataires de la Note.

Le Conseil de la concurrence est d’avis que la note établie par l’ACA et signée par les compagnies d’assurance constitue une restriction de la concurrence interdite par la législation anti-cartel. Le niveau des amendes a été fixé comme suit:

  • l’ACA: 200 euros
  • Allianz: 25 138 euros
  • Arisa: 212 euros
  • AME Lux: 14 855 euros
  • AXA: 108 046 euros
  • La Bâloise: 48 284 euros
  • Chartis: 200 euros
  • Le Foyer: 235 863 euros
  • LaLux: 200 019 euros
  • P&V: 43 990 euros

Dans l’appréciation du niveau des amendes, le Conseil de la concurrence a tenu compte des circonstances suivantes:

Circonstances aggravantes

  • l’entente supprime un des seuls éléments de flexibilité dans la fixation des primes d’assurance.
  • l’entente couvre une assurance obligatoire.
  • les effets de l’entente touchent directement les assurés/consommateurs individuels, affectent leurs attentes et génèrent des dépenses accrues.
  • l’entente est conclue entre tous les assureurs établis au Luxembourg et couvre presque 100% du marché de la RC Autos.
  • l’entente est conclue, non pas par des PME dépourvues de ressources (humaines et financières) réduites qui ne leur permettraient pas de procéder à une évaluation juridique de leur comportement, mais à des entreprises de grande taille dont le métier consiste à manier au quotidien des textes et des instruments juridiques.

Circonstances atténuantes

  • l’absence de caractère secret de l’entente. Les entreprises participantes n’ont pas entendu la cacher, mais ont ouvertement communiqué sur son existence et son contenu.
  • L’élément intentionnel n’est pas un élément constitutif de l’infraction mais son absence équivaut à une circonstance atténuante. Il y a lieu de considérer que l’élément intentionnel n’est pas prouvé en l’espèce.
  • Le Conseil n’a pas non plus d’élément présumant une récidive.
  • La circonstance atténuante la plus importante réside dans le rôle joué par l’autorité de surveillance qui a cautionné l’approche adoptée par les compagnies d’assurance.

Le Conseil de la concurrence est encore d’avis qu’il n’appartient pas aux entreprises d’autoréguler leur secteur. La fonction d’encadrement réglementaire des activités d’assurance revient en effet au Commissariat aux Assurances en vertu de la législation en la matière.

Le Conseil de la concurrence tient encore à signaler que la loi anti-cartel ne lui donne pas compétence pour tirer les conséquences civiles de l’interdiction de l’entente. Le sort des contrats d’assurance conclus en violation des règles de la concurrence peut être négocié entre les parties alors qu’en matière d’assurance il existe une procédure de médiation mise en place par l’ULC et l’ACA. En dernière instance, ce sont les juridictions civiles qui doivent trancher les litiges individuels entre compagnies d’assurance et consommateurs.

Dernière mise à jour